Porteurs : F. Kimmel-Clauzet, A. Estèves, L. Échalier, P.-Y. Kirschleger, C. Cardon-Quint, V. Mozziconacci, H. Ménard, A. Asso
Les questions éducatives intéressent les chercheurs de CRISES depuis ses origines. Un programme ANR-DFG (2008-2011) a été mené sur les Images de l’Europe : il incluait l’étude des représentations de l’Europe dans les manuels scolaires au XXe siècle. Il a continué dans le cadre d’un projet collaboratif, EurViews, Europa im Schulbuch, qui a duré jusqu’en 2017. En 2014 était fondé le séminaire pédagogique L’Antiquité en dialogue, consacré aux problématiques liées à un enseignement en crise, celui des langues anciennes, dans le secondaire et le supérieur, présenté dans le portfolio. Ce séminaire était adossé à l’action 4a de l’IDEFI UM3D (Investissements d’avenir de l’ANR), dirigé par C. Poussard puis par L. Échalier, chargée de mission IDEFI de 2016 à 2023, qui a consacré ses recherches à l’enseignement à distance ou hybridé (action 16 IDEFI UM3D). En 2015, le colloque du programme Penser la transformation de Quid novi ?, était consacré au sujet « Éducation et transformation sociale ». Le séminaire « Philosophie critique de l’éducation » s’est tenu durant la précédente accréditation à raison d’un colloque annuel. Des aspects divers de l’enseignement de l’histoire, de la philosophie ou des langues anciennes ont été abordés durant le précédent quinquennal, y compris dans le cadre de participations régulières au Plan Académique ou National de Formation, de séances de l’Association des Professeurs d’Histoire-Géographie ou encore de la Société des professeurs d’histoire ancienne de l’université. Tous ces travaux sont amenés à se poursuivre durant le prochain quinquennal.
L’arrivée successive au laboratoire de plusieurs enseignantes chercheuses, l’une spécialiste de didactique de la philosophie (V. Mozziconacci), l’autre d’histoire de l’éducation, des institutions et de l’enseignement (C. Cardon-Quint), la troisième s’intéressant à l’enseignement de questions vives en Histoire et aux rapports entre enseignement et représentations artistiques (A. Asso), a permis d’envisager la création d’un programme spécifique au sein de CRISES, résolument interdisciplinaire, transversal aux thèmes Societas et Quid novi ?, conçu pour favoriser le croisement des approches théoriques et des expérimentations de terrain.
Il s’agit d’envisager sur de nouvelles bases l’enseignement des Humanités et la définition d’une culture « générale », dans un contexte où l’intérêt de cette culture, parfois considérée comme relevant des « savoirs inutiles », est de plus en plus remis en cause par la société. La notion d’« Humanités » a elle-même vu son application évoluer : alors qu’elle supposait jusqu’à la fin du XIXe siècle une formation scolaire où l’étude des langues et littératures latines et grecques était prépondérante, elle s’est progressivement émancipée de cette composante – si ce n’est dans la nomenclature ministérielle – pour être entendue, dans le langage courant, comme un hyperonyme regroupant Lettres et Sciences humaines, avec une perspective diachronique. Après les « humanités modernes », et les « humanités scientifiques », mises en avant par la réforme de 1902, la création récente des « Humanités numériques », « Humanités écologiques » et « Humanités médicales » a contribué à vider le terme d’un référent spécifique, au point qu’il nécessite désormais un adjectif pour le préciser.
Une perspective interdisciplinaire permettra d’aborder l’enseignement de chaque discipline, seule et dans ses relations avec les autres ou avec la notion de culture générale, en se détachant des problématiques propres à chacune, afin de réfléchir à la fois aux objets qu’on se donne à enseigner, aux méthodes dont on se dote pour les enseigner et aux postures d’enseignant.e, en interrogeant notamment leur statut d’« acteur multidimensionnel » (à la fois chercheur, enseignant, membre d’association...). On reviendra par exemple sur les limites d’une « éducation à l'esprit critique » volontiers oublieuse des spécificités épistémiques disciplinaires. L’« esprit critique » peut-il être indéterminé et sans ancrage ? Ce travail prendra place dans le cadre de rencontres associant aux enseignants-chercheurs des enseignants du secondaire et des membres de la société civile.
Un groupe de travail spécifique sera mis en place sur une classe d’âge, les 15-21 ans. Il prendra en compte les acquis des recherches sur la cognition, le développement cérébral et affectif spécifique pour mieux appréhender la manière dont se forment les apprentissages à cet âge et les enjeux liés, d’une part, à la consolidation d’une culture générale, d’autre part, à l’acquisition d’une culture spécialisée. En effet, les débats sur le moment critique, les formes et les enjeux de la spécialisation abondent, au moins depuis le XIXe siècle, et les usages sont très fluctuants. Suivant les périodes, la spécialisation peut intervenir dès l’âge de 14-15 ans (bifurcation Fortoul de 1852, entre scientifiques et littéraires) ou au contraire être repoussée après les études secondaires (enjeu de l’« égalité scientifique » en 1925), voire à la fin du premier cycle universitaire. Si ces débats reflètent pour partie des enjeux corporatifs, largement étudiés, ils mobilisent aussi des arguments touchant aux aptitudes, aux goûts et aux apprentissages des élèves. Notre objectif est de revisiter ces débats pédagogiques passés et présents à la lumière des travaux de psychologie cognitive. La première année sera consacrée à un travail de repérage : identification des débats passés et présents, et des sources mobilisables pour repérer les arguments en jeu (en France et à l’étranger) ; identification des travaux de psychologie cognitive sur cette tranche d’âge ; prises de contact avec des psychologues spécialistes de ces questions pour cerner les modalités de leur implication dans ce projet.



